La Cour constitutionnelle a tranché. Dans une décision rendue le 13 mars 2025, elle a validé la loi organique n°97.15 encadrant le droit de grève, tout en appelant à clarifier certaines de ses dispositions. Une étape décisive pour un texte qui, depuis des années, suscite des débats houleux entre l’Exécutif, les syndicats et les parlementaires.
Un cadre juridique enfin fixé
Saisie par le Chef du gouvernement Aziz Akhannouch le 11 février dernier, la Cour constitutionnelle a examiné en détail le texte, après consultation du président de la Chambre des représentants, Rachid Talbi Alami, et d’autres parlementaires. Son verdict est clair : le projet de loi est conforme à la Constitution. Toutefois, certaines formulations nécessitent d’être précisées pour garantir une application fidèle aux principes constitutionnels.
L’adoption de cette loi organique met un terme à un vide juridique qui a longtemps laissé place à des interprétations divergentes du droit de grève. Désormais, les conditions et modalités de son exercice sont mieux définies, avec pour objectif de concilier les droits des travailleurs et les impératifs économiques.
Trois articles sous la loupe de la Cour constitutionnelle
Si l’essentiel du texte a été validé, trois articles ont retenu l’attention de la Cour, nécessitant des ajustements pour éviter toute ambiguïté juridique.
- L’article 1, qui pose les principes généraux du droit de grève, fait l’objet de critiques pour son manque de clarté. La Cour estime que certaines formulations sont trop vagues et ne traduisent pas suffisamment les « conditions et modalités d’exercice » exigées par la Constitution. Elle recommande donc une réécriture plus précise de cet article.
- L’article 5, qui qualifie toute grève ne respectant pas les conditions fixées par la loi d’« illicite », suscite également des réserves. La Cour met en garde contre une interprétation trop restrictive qui pourrait restreindre le droit de grève au-delà des limites définies par la loi organique elle-même. Elle rappelle que les textes d’application ne peuvent pas imposer des règles supplémentaires non prévues dans la loi.
- L’article 12, qui encadre l’organisation des grèves dans les entreprises dépourvues de syndicats représentatifs, est également pointé du doigt. La Cour reconnaît la nécessité d’un cadre légal, mais insiste sur le fait que celui-ci ne doit pas entraver la possibilité pour les travailleurs d’exercer leur droit à la grève. Elle demande donc des précisions sur les modalités d’organisation de ces mouvements.
Ces ajustements devront être intégrés avant l’entrée en vigueur du texte, prévue d’ici six mois après sa publication au Bulletin officiel.
Un parcours législatif semé d’embûches
La loi organique 97.15 a suivi un parcours tumultueux avant d’être validée. Déposée au Parlement il y a plusieurs années, elle n’a été adoptée par la Chambre des représentants qu’en décembre 2024, avant d’être votée par la Chambre des conseillers en février 2025.
Son élaboration a donné lieu à des débats intenses et à l’examen de 218 amendements, certains acceptés, d’autres rejetés, illustrant les tensions entre le gouvernement, les syndicats et les parlementaires. Si l’Exécutif présente ce texte comme une avancée majeure pour la stabilité sociale et économique du pays, les syndicats restent vigilants quant à son application concrète.
Avec cette validation sous conditions, le cadre légal du droit de grève se précise enfin. Reste à voir comment ces ajustements seront intégrés et quelle sera leur réception par les différentes parties prenantes.