Les géants de l’industrie pharmaceutique affirment que nous disposerons de vaccins contre le cancer d’ici 2030. Ainsi, chaque patient pourrait recevoir un vaccin personnalisé et sur mesure. Cette promesse est-elle pour autant réaliste? “Certains types de cancer sont plus faciles à traiter par immunothérapie”, explique Jo Van Ginderachter, spécialiste du cancer à la VUB.
n décembre dernier, un vaccin contre le cancer du poumon a donné des résultats positifs et un vaccin contre le cancer de la peau a permis de réduire de 44 % le risque d’apparition de nouvelles tumeurs. Un autre vaccin est également testé pour prévenir la rechute du cancer du pancréas.
“Nous travaillons sur des vaccins capables de juguler tous les cancers dans un futur proche”, déclare le professeur Van Ginderachter, interrogé par HLN. “Toutefois, le cancer du pancréas est un type de cancer sur lequel l’immunothérapie et les vaccins n’ont que peu d’effet.”
L’immunothérapie agit sur le système immunitaire d’un patient pour l’aider à lutter contre sa maladie. La vaccination, une forme d’immunothérapie, consiste à administrer un composant d’une cellule cancéreuse au patient, qui développe ensuite une réponse immunitaire contre ce composant.
Moins de risques de rechute
Les géants pharmaceutiques BioNTech et Moderna ont lancé leurs vaccins à ARN messager lors de la pandémie de Covid-19. Grâce à cette technologie, ils veulent à présent détruire les cellules cancéreuses, comme dans le cas de l’étude sur le cancer du pancréas.
“La mise au point d’un vaccin contre le cancer est plus complexe. Dans le cas de maladies infectieuses comme le Covid-19, on vaccine des personnes en bonne santé pour les préparer à une éventuelle infection. Les vaccins contre le cancer ne sont pas administrés à titre préventif, mais sont des vaccins thérapeutiques qui ne sont utiles que lorsque la tumeur a déjà été détectée. La tumeur, pour se développer, a déjà pris une série de mesures pour déjouer notre système immunitaire. Une fois la tumeur retirée, le patient reçoit un vaccin qui renforcera son immunité contre cette tumeur spécifique, réduisant ainsi le risque de rechute”, explique Jo Van Ginderachter.
Réduire le risque de rechute, cela semble tout de suite moins prometteur que ce qu’annoncent les entreprises pharmaceutiques, à savoir des vaccins anticancéreux personnalisés qui devraient sauver des millions de vies d’ici à 2030. Sur le papier, chaque patient pourrait recevoir un vaccin adapté à ses besoins. La tumeur serait analysée, puis un vaccin individuel sortirait de la chaîne de production.
“Une technologie prometteuse”
“Il s’agit d’une technologie prometteuse. De grandes choses peuvent encore être réalisées avec l’ARNm”, souligne le spécialiste de la VUB. Mais ce n’est pas la panacée. Concrètement, un tel vaccin sert à activer de manière optimale les lymphocytes T cytotoxiques, qui détruisent les cellules cancéreuses dans la tumeur. Mais il existe encore souvent des mécanismes qui suppriment l’action de ces cellules tueuses. Les tumeurs elles-mêmes détruisent notre système immunitaire. Il reste donc des obstacles à franchir avant que les vaccins puissent éradiquer toutes les tumeurs”, prévient Jo Van Ginderachter.
Certains types de cancer sont plus faciles à traiter par immunothérapie que d’autres. “Le mélanome métastatique en est le meilleur exemple: il y a dix ans, les patients atteints de mélanome métastatique étaient condamnés à mort dans l’année. Aujourd’hui, 40 à 50 % d’entre eux répondent favorablement à l’immunothérapie, ce qui est spectaculaire. Nous obtenons également des succès significatifs avec l’immunothérapie contre les cancers du poumon. Les tumeurs cérébrales, en revanche, sont difficiles à traiter par immunothérapie.”
“Nous serons en mesure de guérir ou de contrôler de plus en plus de maladies, de sorte que le cancer devienne une maladie chronique dont on ne mourra plus”
Éradiquer le cancer, un objectif trop élevé
En résumé, les vaccins contre le cancer aident à combattre les tumeurs et à réduire le risque de rechute. Les personnes atteintes d’un cancer auront des chances de survie de plus en plus grandes, en partie grâce à ces vaccins. “L’immunothérapie offre encore une certaine marge. En fonction du type de tumeur et du stade de la maladie, elle peut être combinée avec d’autres thérapies, comme la chimiothérapie et la radiothérapie”, précise l’immunologue.
Un monde sans cancer, est-ce possible? “C’est un objectif trop élevé. Néanmoins, nous serons en mesure de guérir ou de contrôler de plus en plus de maladies, de sorte que le cancer devienne une maladie chronique dont on ne mourra plus”, conclut le professeur Van Ginderachter.