Qu’arrive-t-il lorsque la justice est utilisée pour calmer la colère politique plutôt que pour servir la vérité ? Comment une enquête peut-elle conduire à l’incarcération d’innocents, sans preuve ni délit, simplement pour avoir été au mauvais endroit au mauvais moment ? L’affaire Boudiab, certainement la plus extravagante de ces quatre dernières années en Algérie, pose ces questions troublantes et bien d’autres encore.
Selon Algeriepart, le 29 mai 2023, un tribunal local relevant de la Cour de Justice de Tébessa, à l’extrême est du pays, a condamné cinq citoyens à des peines de prison ferme allant de 5 à 10 ans. Ces individus ont été jugés pour complicité dans la fuite illégale du territoire algérien du milliardaire Amar Boudiad, membre d’une richissime famille propriétaire du groupe privé Boudiab.
La fuite de Boudiad était loin d’être un secret. Ciblé par le Président Abdelmadjid Tebboune pour des enquêtes, il avait pris la fuite en France et en Espagne avec ses frères après avoir découvert un plan contre eux. Le 1er novembre 2022, il a traversé la frontière algéro-tunisienne sans encombre, déjouant la surveillance policière.
La colère du président Tebboune a conduit à une enquête rapide et vaste. Les juges et les gendarmes ont traqué de supposés complices, mais ceux-ci n’existaient que dans leur imagination. Boudiad avait quitté le pays légalement, sans aucune Interdiction de Sortie du Territoire National (ISTN) prononcée à son encontre.
Pour apaiser la colère présidentielle, les juges ont sacrifié des innocents, condamnant quatre citoyens dont le seul « crime » était d’avoir traversé la frontière en même temps que Boudiad. Ils n’avaient aucune relation avec le milliardaire, comme l’a constaté l’enquête de la Gendarmerie Nationale. Cette dérive judiciaire inédite a brisé des familles et mis en lumière des failles profondes dans le système de justice algérien.
L’affaire Boudiab met en évidence une justice biaisée et une violation flagrante de l’état de droit. Elle nous rappelle que l’intégrité et l’indépendance de la justice ne sont pas des acquis, mais des valeurs à défendre constamment. Dans un pays où la confiance en la justice est essentielle, cette affaire laisse une cicatrice profonde et des questions sans réponse. Cette affaire révèle un sombre tableau de la justice et de la politique algériennes. Les condamnations sans preuve, et manifestement orchestrées pour apaiser la colère présidentielle, mettent en lumière des failles graves dans le système judiciaire et un manque alarmant de respect pour l’état de droit. La manière dont cette situation a été gérée soulève de sérieuses questions sur l’intégrité et l’indépendance de la justice en Algérie.