L’univers de la boulangerie et de la pâtisserie au Maroc, riche de traditions et de savoir-faire, est confronté à une multitude de défis dans le paysage économique actuel. Le secteur, fortement marqué par la concurrence de l’informel, voit également s’ajouter les complications économiques générées par la pandémie et l’inflation des prix des matières premières. Dans ce contexte, Actu-maroc.com a souhaité donner la parole à Monsieur Hassan Ait Said, président de la région de Rabat de la Fédération Nationale de Boulangerie et de Pâtisserie du Maroc. Sous l’égide de cette fédération, dirigée par Kamal Rahal, figure emblématique des métiers de bouche, Monsieur Ait Said partage avec nous sa vision des enjeux du secteur et des stratégies pour y faire face. Voici l’échange que nous avons eu avec lui :
Pourquoi les professionnels de la boulangerie et de la pâtisserie qui ne sont pas encore membres de la Fédération nationale de la boulangerie et de la pâtisserie devraient-ils envisager d’y adhérer et quels avantages cela leur apporterait-il dans le contexte actuel du secteur ?
Adhérer à la Fédération nationale de la boulangerie et de la pâtisserie (FNBP), c’est d’abord rejoindre une plateforme unifiée pour défendre efficacement les intérêts des professionnels face aux défis du secteur, comme la concurrence déloyale. En tant que membre, vous bénéficierez d’une plateforme d’échange dynamique pour discuter des équipements de pointe et des innovations dans l’activité boulangère. De plus, l’adhésion vous offre l’opportunité de participer à des formations spécialisées, d’accéder à des études de marché exclusives, et d’obtenir des tarifs préférentiels auprès de partenaires et fournisseurs. Vous serez également tenu informé des évolutions réglementaires et bénéficierez d’un réseau solide pour échanger des best practices, des astuces professionnelles et étendre ainsi votre horizon commercial. Rejoindre la Fédération, c’est solidifier sa position sur le marché tout en contribuant à la valorisation du patrimoine culinaire national.
Qu’entendez-vous précisément par « concurrence déloyale » et quelles en sont les implications pour le secteur?
La concurrence déloyale fait référence aux pratiques commerciales inéquitables où certains acteurs du marché, souvent dans le secteur informel, opèrent en dehors des réglementations et standards établis, leur permettant ainsi de réduire leurs coûts. Ces acteurs peuvent offrir des produits à des prix inférieurs, mais souvent sans garantie de qualité ou d’hygiène. Pour le secteur de la boulangerie et de la pâtisserie, cela signifie une concurrence accrue de la part d’entités qui évitent les charges et compromettent les standards de qualité. De plus, en consommant ces produits de moindre qualité, la santé du citoyen est également mise en danger. En fin de compte, cela met en péril les entreprises légitimes qui respectent les normes, paient leurs charges, et s’engagent à fournir des produits sûrs et de qualité à leurs clients.
Monsieur Ait Said, quelles stratégies préconisez-vous pour lutter contre l’informel et cette concurrence déloyale dans le domaine de la boulangerie et pâtisserie?
Il est essentiel d’instaurer une régulation plus stricte, couplée à des contrôles réguliers des établissements. Encourager la formalisation des entités informelles par des incitations fiscales et administratives. Il faudrait également lancer des campagnes de sensibilisation pour éduquer le public sur les dangers liés à la consommation de produits issus du secteur informel. En parallèle, renforcer les avantages accordés aux entreprises formelles et investir dans la formation professionnelle pour élever les standards du secteur. Une collaboration renforcée entre le gouvernement et les professionnels est primordiale. De plus, notre fédération envisage sérieusement d’instaurer un label de qualité. Ce label servira de gage que la boulangerie membre opère conformément aux normes établies, assurant ainsi aux consommateurs des produits sains et de qualité.
Pouvez-vous nous fournir une idée sur le nombre approximatif de boulangeries opérant hors du cadre formel ?
Il est en effet très difficile de fournir un chiffre exact en raison de la nature discrète du secteur informel. Néanmoins, selon nos investigations récentes, le nombre de boulangeries informelles pourrait bien excéder les 50 000. Malgré ces chiffres préoccupants, nous restons optimistes. Avec les bonnes stratégies, l’engagement des parties prenantes et l’appui de l’État, nous sommes convaincus qu’il est possible de redresser la situation et de canaliser cette énergie vers un secteur structuré et florissant.
Monsieur Ait Said, quelles ont été les principales difficultés auxquelles votre secteur a été confronté pendant et après la pandémie, et comment l’inflation actuelle des prix affecte-t-elle les boulangeries ?
Durant la pandémie, notre secteur a été sévèrement affecté par la baisse des chiffres d’affaires, principalement en raison des restrictions de déplacement et de la fermeture de nombreux établissements. De fait, plusieurs parmi nous n’ont pas résisté à cette crise et ont malheureusement dû fermer leurs boutiques. La période post-pandémique a vu une reprise timide, avec des consommateurs hésitant à revenir à leurs habitudes antérieures. Aujourd’hui, face à l’inflation, les coûts des matières premières comme la farine, l’huile, le beurre et d’autres ingrédients cruciaux ont connu une hausse vertigineuse. Cette situation met une pression redoutable sur nos marges déjà fragilisées. En dépit de ces obstacles, nous demeurons résolus à innover et à trouver des moyens pour continuer à proposer à nos clients des produits de haute qualité, tout en conservant une structure de coûts viable.
Face à ces défis économiques, comment gérez-vous la production du pain vendu à 1,20 DH, notamment avec la farine subventionnée ?
Le pain à 1,20 DH est crucial pour de nombreux consommateurs, et nous nous efforçons de le maintenir à ce prix malgré les défis économiques. La farine subventionnée est une aide précieuse dans cette démarche, mais elle ne couvre pas l’ensemble de nos coûts. Pour compenser, nous nous appuyons sur la vente d’autres produits comme les pâtisseries et viennoiseries. Toutefois, avec la hausse continue des prix des matières premières et la pression sur nos marges, maintenir le prix du pain à ce niveau est un défi constant, et nous cherchons constamment des solutions pour équilibrer qualité et coût pour nos clients.
Quel message souhaiteriez-vous transmettre aux autorités compétentes et à votre fidèle clientèle en cette période difficile?
Aux autorités, je souhaite rappeler l’importance de notre secteur dans la vie quotidienne de nos citoyens. Au nom de la Fédération nationale de la boulangerie et de la pâtisserie et de son président, M. Kamal Rahal, nous sollicitons une attention particulière face aux défis que nous rencontrons, notamment la concurrence déloyale de l’informel. Un partenariat renforcé avec l’État pourrait permettre d’établir des mesures bénéfiques pour tous. Quant à nos chers clients, votre loyauté nous est précieuse. Malgré les temps difficiles, nous continuons de travailler avec passion pour vous offrir les meilleurs produits. Votre soutien est notre motivation à persévérer et à maintenir la qualité au cœur de notre métier.