Récemment publié en ce mois de mars, marqué par la Journée internationale des droits des femmes, un document du Centre de Politiques pour le Sud analyse et propose des domaines dans lesquels la réforme du Code de la famille bénéficierait d’une mise à jour des lois. Présenté par Nouzha Chekrouni et Abdessalam Saad Jaldi, ce document de recherche intitulé « Le Code de la famille marocain (Moudawana) : réalités et perspectives de réformes » offre une interprétation juridique et sociale des dysfonctionnements actuels. Il examine la lente progression vers l’égalité au sein de la famille, ainsi que les lacunes en matière de protection de l’enfance, notamment en ce qui concerne la filiation.
À travers une approche de droit comparé, le Code de la famille est analysé à la lumière des engagements internationaux du Maroc, ainsi que de ses propres contradictions textuelles. À cet égard, les auteurs rappellent que la réforme de ce cadre en 2004 a placé le mariage sous la responsabilité conjointe des deux conjoints. Par conséquent, le concept de l’homme en tant que chef de famille auquel la femme doit « obéir et se soumettre » a été aboli. De même, l’âge minimum du mariage a été fixé à 18 ans.
« Cependant, près de vingt ans après son adoption, des lacunes subsistent. Celles-ci concernent principalement le mariage des mineurs, l’identification du mariage, les ambiguïtés juridiques relatives au divorce, l’absence à la fois d’allocation compensatoire et de partage des biens acquis pendant le mariage, sans oublier le mariage des Marocaines avec des non-musulmans, » notent les auteurs.
Pour la Criminalisation du Mariage des Mineures
Concernant le mariage des mineurs, l’article 19 du Code de la famille stipule que la capacité matrimoniale est acquise à l’âge de 18 ans pour les filles et les garçons. Pourtant, l’article 20 « contredit cette disposition en autorisant le juge de la famille chargé du mariage à autoriser le mariage avant cet âge par décision motivée mais non susceptible de recours. » « Cependant, le silence du Code sur les circonstances pouvant amener le juge à autoriser de tels mariages, l’absence d’un âge minimum en dessous duquel il peut les approuver, ainsi que l’impossibilité d’introduire un recours pour annuler la décision du juge autorisant le mariage de mineurs, ont nui à l’efficacité de l’article 19, » souligne le document.
La même source rappelle qu’en 2018, « plus de 40 000 mineures ont été mariées sur la base de l’article 20 de la Moudawana, une situation qui a alarmé Amina Bouayach, présidente du Conseil national des droits de l’homme. » Une décision souvent prise contre l’avis du parquet, qui en 2021 a demandé le refus de 20 200 demandes de mariage de mineurs, alors que les tribunaux ont validé plus de 20 000 demandes sur un total de 28 930, résultant en un taux d’acceptation de 70%.
Se référant aux statistiques de la Banque mondiale, le document rappelle également que « 26 mineures marocaines sur 1000 âgées de 15 à 18 ans ont accouché en 2021. » D’où l’importance, selon les auteurs, de « s’interroger sur la réalité du consentement dans une telle union, et donc de sa validité, puisque le mariage est considéré selon l’article 4 du Code de la famille comme un pacte fondé sur le consentement mutuel. » Dans un registre connexe, le document questionne également la nature du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, à la lumière de diverses questions liées notamment à la garde, à la filiation ou encore à la notion de protection.
Concernant le mariage, le document souligne également que le Code de la famille de 2004 « maintient les empêchements en raison de la différence de religion. » « Pour pouvoir épouser un étranger ou un non-musulman converti à l’islam, une Marocaine doit, selon les dispositions de l’article 65 du Code de la famille, obtenir l’autorisation préalable du procureur général du Roi près la Cour d’appel, comme dans l’ancienne Moudawana, » indiquent les auteurs. Pour eux, ce dernier point constitue même une régression, car l’ancien texte ne nécessitait pas cette autorisation. Cette exigence était « imposée uniquement par des circulaires du ministère de la Justice. »
Le droit successoral doit être indissociable de la réforme
Dans l’aspect patrimonial du Code de la famille, les auteurs notent l’introduction du contrat dans la gestion des biens acquis pendant le mariage. Cela représente une rupture avec la conception classique du droit islamique, qui ignore le régime de la communauté de biens entre époux et les régimes matrimoniaux. Mais ce progrès juridique contraste avec les dispositions successorales presque statiques, à l’exception de quelques jurisprudences théologiques intégrées. Dans le droit islamique classique, ces dispositions établissent généralement « une inégalité structurelle entre les deux sexes. »
« L’immuabilité du droit successoral marocain puise ses fondements dans le caractère intemporel du régime successoral islamique, étant donné que la dévolution successorale était définie par les principes sacro-saints des lois coraniques intangibles à toute modification de la volonté humaine, » notent les auteurs. « Cette posture nous rappelle certaines conceptions naturalistes du droit suggérant que la règle juridique, émanant d’une émission de valeurs et de significations, se situe au-delà de l’histoire humaine aussi bien qu’en dehors d’elle, » ajoutent-ils.
« Dans cette perspective, le régime successoral islamique stipule que, à degrés égaux, une femme reçoit la moitié de la part qui revient à un homme. Cela s’applique si les époux héritent l’un de l’autre, leurs droits successoraux variant selon que le survivant est le mari ou la femme. »